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BANQUE DE DONNEES

Tanguy L’Aminot:Henri Roorda, lecteur de l'Emile

 

    Henri Roorda (1870-1925) est apparemment quelque peu oublié dans la liste des théoriciens et réformateurs de l'éducation moderne, bien que les éditions L'Age d’Homme aient publié vers 1970, sous le titre d'ailleurs inexact d'Œuvres complètes, deux volumes de ses écrits. Le texte qui figurait en quatrième page de couverture à ces ouvrages présentait plus Roorda comme "le plus grand humoriste de Suisse romande" que comme un penseur de la pédagogie. L'éditeur précisait qu'il avait retenu les "œuvres littéraires d'Henri Roorda" et écarté les manuels scolaires, ainsi que les contributions aux revues scientifiques. Il aurait pu ajouter, comme nous allons le voir, qu'il avait également éliminé une partie des écrits militants de Roorda: à part l'un d'eux, la bibliographie figurant à la fin du second volume, les ignore. Ces Œuvres dites complètes offrent cependant au lecteur deux livres de combat en faveur de l'enfant. Le premier est le plus renommé et assure sans doute la survie de la pensée de Roorda: Le pédagogue n'aime pas les enfants paru en 1917, a été réédité en 1984 chez le même éditeur, dans une collection de poche et en compagnie de deux autres textes aussi virulents dans leur défense de l'enfant contre l'école et la stupidité sociale, montrant ainsi que le cri poussé par Roorda au début du vingtième siècle, conservait tout sons sens près de soixante-dix ans plus tard[1][1]. Le second texte est Avant la grande réforme de l'an 2000 et a été publié en 1925. Les autres ouvrages figurant dans les deux volumes des Œuvres complètes sont surtout constitués par les chroniques parues dans la presse de Lausanne et regroupées sous divers titres: Mon internationalisme sentimental (1915); A prendre ou à laisser (1919); Le Roseau pensotant (1923); Le Débourrage des crânes est-il possible? (1924); Le Rire et les rieurs (1925); Almanach Balthasar et Mon suicide (1925), sans oublier quelques pièces de théâtre.

   Henri Roorda est néanmoins l'un des auteurs les plus radicaux parmi ceux qui ont écrit sur l'éducation. Il doit sans doute ce caractère à son enfance et son adolescence passées parmi des révolutionnaires. Son père, Sicco Ernst Willem Roorda van Eysinga, qui mourut alors qu'il eut dix-sept ans, avait dû quitter la Hollande, son pays d'origine, à cause de ses idées radicales qui mettaient à mal de façon trop incisive l'Etat et la bourgeoisie. Installé en Suisse, à Clarens, il accueillait dans sa maison des philosophes anarchistes comme son compatriote Ferdinand Domela Nieuwenhuis ou Pierre Kropotkine et Elisée Reclus. Roorda dira plus tard qu'il a "été éduqué par des utopistes qui voulaient absolument accélérer le progrès de l'humanité"[2][2]. Reclus influença profondément le jeune Roorda qui fut, avec quelques jeunes gens et étudiants, parmi ses admirateurs les plus convaincus[3][3]. Une correspondance s'engagea entre eux quand, après 1890, Reclus revint en france. En 1894, Roorda pensa même rejoindre son mentor et ami qui venait de professer à l'Université nouvelle de Bruxelles, mais ce projet n'eut pas de suite car Roorda, récemment diplômé, ne se sentait pas alors de taille à enseigner déjà les mathématiques supérieures, et surtout parce que les cours n'étaient pas rémunérés[4][4]. Il consacra cependant un article à évoquer son attachement et sa relation avec le célèbre géographe deux ans après la disparition de celui-ci[5][5]. L'amitié qui unit le jeune homme à Reclus fut peut-être aussi à l'origine de sa réflexion pédagogique. L'auteur de la Géographie universelle avait publié en 1886 une brochure intitulée L'Avenir de nos enfants, dans laquelle il prenait violemment le parti de l'enfant contre ceux qui, à l'usine ou à l'école, l'asservissaient par leur sottise, leur indifférence ou leur brutalité.

   L'école, dans ces années 1880, venait de connaître la grande réforme orchestrée par Jules Ferry et la Troisième République. Loin d'être satisfaits des mesures qui allaient dans le sens de l'instruction publique, laïque et obligatoire, les anarchistes, dont Reclus était l'un des théoriciens, menèrent alors contre elles une forte campagne d'opposition à travers journaux et brochures de propagande. Ces révolutionnaires étaient conscients de l'enjeu présenté par l'éducation pour la société à venir. Eduquer les tout-petits était chose trop importante pour être confiée à la bourgeoisie, fut-elle socialiste. Dans Propos d'éducateur, Sébastien Faure qui créera en 1904, près de Rambouillet, une école libertaire dénommée La Ruche, écrit: "L'école chrétienne, c'est l'école du passé, organisée par l'Eglise et pour elle; l'école laïque, c'est l'école du présent, organisée par la République et pour elle! La Ruche, c'est l'école de l'avenir, l'école tout court, organisée pour l'enfant, afin que cessant d'être le bien, la chose, la propriété de la religion, de l'Etat, de la famille, de la patrie, il s'appartienne à lui-même et trouve à l'école le pain, le savoir et la tendresse dont ont besoin son corps, son cerveau et son cœur"[6][6]. Ce propos se situait dans le droit fil des écrits sur l'éducation publiés depuis plusieurs années par Michel Bakounine, James Guillaume, Paul Robin et bien d'autres penseurs libertaires. Elisée Reclus avait lui-même participé à ce courant en rappelant à ses camarades qu'ils devaient songer à l'avenir de leurs enfants encore plus qu'à l'amélioration de leur condition, et les élever afin d'en faire des hommes "comme nous voudrions être nous-mêmes". Il donnait ainsi toute son importance à l'éducation dans la lutte sociale et annonçait déjà la dénonciation de l'école qu'entreprendra Roorda quelques années plus tard:

 

"Maintenant que l'école est laïque, la formule religieuse a été          remplacée par une formule de grammaire, les sentences latines incompréhensibles ont fait place à des mots français qui ne sont pas plus clairs. Que l'enfant comprenne ou non, peu importe; il faut qu'il apprenne suivant un formulaire tracé d'avance. Après l'absurde alphabet qui lui fait prononcer les mots autrement qu'il ne les lit et l'habitue ainsi d'avance à toutes les sottises qui lui seront enseignées, viennent les règles de grammaire qu'il récite par cœur, puis les barbares nomenclatures qui s'appellent la géographie, puis le récit de crimes royaux qu'on nomme l'histoire. Et comment l'enfant bien doué peut-il, à la longue, débarrasser sa cervelle de toutes ces choses qu'on y a fait entrer de force, en s'aidant parfois de martinet et de pensums! D'ailleurs, ces écoles sont-elles sans esclavage, sans heures de retenue et sans barreaux aux fenêtres? Si l'on veut une génération libre, que l'on démolisse d'abord les prisons appelées collèges et lycées!"[7][7].

 

Les écrits de Roorda, quelques années plus tard, développeront ces mêmes arguments.

   Henri Roorda est proche des anarchistes, tout au moins dans la première partie de sa vie. Le 16 juin 1892, peu après l'arrestation de Ravachol, il écrit une longue lettre à Ferdinand Domela Nieuwenhuis, dans laquelle il se déclare anarchiste: "Depuis les explosions de Ravachol on a dit beaucoup de mal des anarchistes mais il est clair que je n'en suis pas moins des leurs. Et même en voyant les protestations des républicains de toutes nuances je me suis senti de plus en plus révolutionnaire"[8][8]. Il adresse des articles à La Révolte, dont s'occupe alors Jean Grave[9][9]. Deux ans plus tard, il écrit au même pour exprimer sa sympathie à l'égard de Casério qui vient d'assassiner le président de la république Sadi-Carnot, à Lyon. Il explique comment il profite de cours particuliers pour convertir une jeune élève à ses idées et annonce qu'il prépare un roman anarchiste[10][10]. Alors qu'il n'a pas encore atteint sa trentième année, en 1898, il publie son premier manifeste en faveur de l'enfance - L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité - dans L'Humanité nouvelle, une revue socialiste fondée l'année précédente par Augustin Hémon, les frères Reclus, Clémence Royer, etc. L'essai est aussitôt repris par l'anarchiste Jean Grave pour être publié dans le Supplément littéraire des Temps nouveaux et F. Domela Nieuwenhuis lui fait écho peu de temps après dans une conférence célèbre sur l'éducation libertaire[11][11]. Le Supplément littéraire des Temps nouveaux reprit en 1907 un  autre texte de Roorda paru en avril 1902 dans La Revue blanche: "La notion du Parfait dans l'enseignement". Roorda publia aussi en août 1902 dans cette même revue une analyse sur "les effets de l'éducation moderne" et, en juillet et octobre 1908, dans le Boletin de la Escuela moderna du pédagogue libertaire Francisco Ferrer deux autres études aux titres révélateurs: "La escuela y el saber inutil" (L'école et le savoir inutile) et "El escolar es un procesado" (L'écolier est un prévenu)[12][12].

    Ces textes qui ne figurent pas dans l'édition des Œuvres complètes de L'Age d'Homme, feront l'objet de la première partie de notre étude. Ils constituent la forme la plus radicale et la plus incisive de l'attaque menée par Roorda contre l'édifice scolaire. Son œuvre ne se réduit pourtant pas à l'anarchisme. Le combat qu'il mènera par la suite sera tout aussi acharné à montrer que l'école écrase l'enfant tant sur le plan physique qu'intellectuel, mais Roorda aura plus la volonté de toucher un public moins militant. Dans Le Pédagogue n'aime pas les enfants qui paraît en 1917, il s'adresse à ses collègues enseignants et à ceux qui peuvent apporter quelques changements efficaces dans la pesante institution scolaire. Sans trop y croire d'ailleurs, car ce qui caractérise les écrits de Roorda est à la fois cet enthousiasme évident quand il prend la défense des enfants et un humour qui met quelque distance dans le propos: il a lui-même parlé du "pessimisme joyeux" pour définir son attitude. Roorda ne renonça cependant jamais à exposer ses idées et il est ainsi chargé en octobre 1916 de présenter un rapport sur le "rôle que peut jouer l'enseignement des mathématiques dans l'éducation intellectuelle des écoliers" à la dix-neuvième assemblée de la Société suisse des professeurs de mathématiques, à Baden. Cette dernière le lui a demandé pour s'opposer à un autre rapport de l'Education nationale suisse qui souhaitait proposer un allégement de la partie scientifique de l'enseignement scolaire au bénéfice des branches dites de culture générale. La communication de Roorda qui paraît l'année suivante dans L'Enseignement mathématique et présente un résumé des positions publiées dans Le Pédagogue n'aime pas les enfants, suscite l'approbation de ses collègues[13][13]. Peut-être plus significative de ce retrait de Roorda vis-à-vis de l'engagement militant est, dans ses écrits, l'absence de référence ou d'allusion à l'école Ferrer créée en 1910 à Lausanne, par le docteur Jean Wintsch, médecin scolaire, professeur à l'université de cette ville et fondateur en 1915 du journal libertaire La Libre Fédération: l'école ouvrit en effet ses portes en novembre 1910, avec vingt-sept élèves, et ferma en avril 1919, par suite de la guerre et de ses conséquences financières. Roorda fut cependant parmi les fondateurs de cette institution, et l’on peut s’étonner de son silence dans ses écrits[14][14].

   En 1925, l'année de sa mort, paraîtra encore un essai de Roorda en faveur de l'enfance et d'une éducation plus intelligente, mais qui reflète la lassitude: Avant la grande réforme de l'an 2000. Le 7 novembre, l'auteur se suicidait, laissant une courte lettre qui contenait ces mots: "J'ai tout usé en moi et autour de moi, et cela est irréparable".

 

   Dans Le Pédagogue n'aime pas les enfants, Roorda, avec la distance humoristique qui lui est coutumière, écrit que ses jugements en matière d'éducation ne font qu'exprimer ses goûts personnels, mais qu'il n'aurait pas formé le projet d'écrire ce livre s'il n'avait "pas été fréquemment enthousiasmé par l'éloquence de tant d'écrivains anciens et modernes qui défendent l'enfant contre l'Ecole"[15][15]. Roorda cite cependant assez peu de noms dans ses écrits, mais parmi ceux que l'on trouve, Rousseau occupe sans nul doute la première place. L'auteur d'Emile est notamment cité à plusieurs reprises dans le premier essai publié par Roorda en 1898, L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité. Même quand elle n'est pas explicite, sa présence est sensible pour toute personne ayant lu le traité d'éducation de Jean-Jacques. Celui-ci a d'emblée une valeur d'opposition à la conception traditionnelle et officielle de l'école, telle que l'instaure la Troisième République. Aux ministres et fonctionnaires de l'Education nationale qui envisagent l'école comme un moyen de former les hommes de la cité future (on parlerait aujourd'hui de l'apprentissage de la citoyenneté), Roorda rappelle les paroles de Rousseau qui figurent au début d'Emile:

 

""Il faut opter, dit Rousseau, entre faire un homme ou un citoyen, car on ne peut faire à la fois l'un et l'autre".

    Cette incompatibilité nous paraît manifeste.

    Eh bien! nous voudrions que l'Ecole fît des hommes et non pas des citoyens qui se laisseraient sans résistance ranger      dans les compartiments de l'ordre d'où ils n'auraient bientôt plus la force de sortir"[16][16].

 

   L'école républicaine, en cette fin du dix-neuvième siècle, éduque les enfants pour leur donner une place bien définie dans la société de demain: aux enfants d'ouvriers et de paysans, convient l'école primaire; aux enfants de la bourgeoisie, l'école secondaire, puis l'enseignement supérieur. L'école, loin d'être un lieu d'épanouissement pour l'enfant, apparaît à Roorda comme un endroit où on lui apprend avant tout à s'intégrer dans le monde des adultes qui l'attend. Elle est de la sorte une institution garante de l'ordre social existant. Elle habitue ceux qu'on lui confie à respecter des valeurs et des systèmes qui existaient avant lui et qui, le plus souvent, sont fondés sur l'injustice et la misère d'une partie de l'humanité. mais alors que Rousseau proposait à son élève une éducation radicalement différente de celle qui avait cours dans les collèges de son temps, Roorda ne se situe pas en dehors du cadre scolaire existant. Il ne décrit pas tant un nouveau système qu'une manière de rendre plus tolérable la situation de l'enfant pendant les années qu'il passera en classe Il admet le cadre scolaire actuel, tout en en contestant vigoureusement les méthodes et les projets.

   Tout comme Rouseau, Roorda place l'enfant au centre de sa réflexion et lui subordonne les programmes, les techniques et les enseignants. Il est persuadé comme le gouverneur d'Emile et comme Julie dans La Nouvelle Héloïse que l'enfance est un état passager qui ne dure pas et ne reviendra plus jamais. En fonction de quoi, il doit être vécu pleinement et joyeusement par l'enfant. On se souvient du tableau saisissant que Rousseau dresse au livre second d'Emile, quand il se figure "un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge[...], bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d'une plénitude de vie qui semble vouloir s'étendre hors de lui":

 

"L'heure sonne, quel changement! A l'instant son œil se ternit, sa gaieté s'efface, adieu la joie, adieu les folâtres jeux. Un homme sévère et fâché le prend par la main, lui dit gravement: allons Monsieur, et l'emmène. Dans la chambre où ils entrent, j'entrevois des livres. Des livres! quel triste ameublement pour son âge! Le pauvre enfant se laisse entraîner, tourne un œil de regret sur tout ce qui l'environne, se tait et part les yeux gonflés de pleurs qu'il n'ose répandre, et le cœur gros de soupirs qu'il n'ose exhaler"[17][17].

 

   Pour Roorda, la scène se reproduit quotidiennement cent cinquante ans plus tard, non plus dans le cadre de l'éducation domestique où un précepteur enseigne à un élève, mais dans celui de l'école publique où un maître doit s'occuper d'une classe de vingt à trente élèves. Il rappelle qu'en cette fin du dix-neuvième siècle, "les écoles sont de locaux fermés où, dès l'âge de huit ou neuf ans, restent assis, cinq ou six heures par jours, les mioches de la race. ils ne bougent guère, retenus par cet ordre souvent répété: "restez tranquille"; Silencieux, ils écoutent un de leurs camarades réciter sa leçon, ou le maître qui explique le nouveau chapitre à apprendre. C'est affreux le silence qui règne dans certaines salles d'école"[18][18]. Dans Le Pédagogue n'aime pas les enfants, Roorda poursuit son plaidoyer en affirmant que l'école vole aux enfants en les immobilisant "durant des milliers d'heures dans l'attitude de l'écolier qui écoute, ou qui fait semblant"[19][19]. Est-il nécessaire, demande-t-il, de retenir ainsi de jeunes êtres pleins de vie pendant des heures, alors que deux heures par jour pendant sept ou huit ans suffiraient pour leur apprendre la science rudimentaire de lire, écrire et compter qu'on exige d'eux?

   Roorda va plus loin. Il montre que l'écolier est dans la situation d'un prévenu en face d'un maître qui a la rigueur et le pouvoir d'un juge: l'enfant est régulièrement soumis à des interrogatoires et doit demeurer durant des heures enfermé, assis, immobile, silencieux et inoccupé. alors que Rousseau, dans Emile, insistait sur la variété des activités d'Emile et sur le plaisir toujours présent qu'il connaissait, Roorda souligne que, dans les classes modernes, les enfants font tous en même temps la même chose: en dépit de la richesse apparente des programmes, leur vie est très monotone et l'imprévu est exclu de leur univers:

 

"Ces collégiens sont quelquefois intéressés par ce qu'on leur    apprend; mais on les enferme beaucoup trop longtemps. En classe, ils s'habituent à l'inaction. Et ils s'ennuient. La patience qu'on enseigne à l'écolier est celle dont nous faisons preuve     dans le salon d'attente d'un dentiste: attendre; regarder sa montre; se résigner et se dire in petto: "Je voudrais bien m'en      aller""[20][20].

 

   Rentrés chez eux, les écoliers continuent d'être soumis au travail studieux de l'école qui leur enlève toute joie de vivre, car les parents prennent le relais du maître et imposent à l'enfant, qui vient déjà de consacrer dix heures de sa journée à l'étude, de continuer. Roorda n'hésite pas à noircir le tableau pour le rendre plus saisissant[21][21]. Il affirme que dans certains pays où l'instruction est obligatoire et où les enfants doivent savoir lire et écrire à sept ans, "on voit parfois dans des coins trop sombres, le dos ployé, les genoux près du menton, de pauvres petits êtres qui lisent d'ineptes histoires, parce que, avec plus ou moins de douceur, on leur a inculqué le goût de la lecture"[22][22].

   Lire est toujours le fléau de l'enfance, et peut-être plus qu'au dix-huitième siècle, puisque l'école publique a fondé sa pratique sur cette activité. Roorda, ici aussi, fait appel à Rousseau pour condamner cette manie. On peut s'étonner de cette attaque menée contre la lecture, d'autant plus que depuis la parution d'Emile, nombre d'auteurs s'en sont pris à Rousseau sur ce point. N'est-ce pas là une attitude réactionnaire à une époque où l'instruction apparaît comme le fondement de tout progrès individuel et social? Roorda est à cet égard aussi rigoureux que son maître, puisqu'il demande "que l'enfant n'apprenne pas à lire avant l'âge de dix ou onze ans. Qu'il attende même parfois une année ou deux de plus. S'il n'est pas de ceux qui seront pris très jeunes par le travail des champs ou de l'usine, ce retard n'aura pour lui qu'un excellent effet"[23][23]. En fait, tout comme Rousseau, Roorda ne condamne pas la lecture en tant que telle, mais bien parce qu'elle a deux conséquences très négatives pour l'enfant quand celui-ci la pratique trop tôt, comme c'est le cas dans l'éducation traditionnelle et à l'école.

   Une conséquence physique d'abord, puisqu'elle oblige l'enfant à rester immobile à l'âge où il doit bouger, s'ébattre, courir. Le corps est alors sacrifié à l'esprit. Roorda, comme Rousseau, est convaincu que les enfants manifestent leur santé par la joie dont ils font preuve dans leurs jeux: ceux-ci sont la véritable expression de l'enfance. L'école moderne a certes pensé à consacrer quelques heures aux activités physiques, mais Roorda ne voit là qu'une mesure sans importance réelle. Dans Les Effets de l'éducation moderne, il écrit:

 

"Les pédagogues procèdent comme s'ils croyaient que pour    cultiver l'esprit de l'enfant il faut provoquer le continuel affaissement de son corps. Ce ne sont pas les deux maigres leçons de gymnastique qui se donnent chaque semaine qui prouveront le contraire de ce que j'avance. Dans ces leçons comme dans les autres le maître dit à ceux qui bougent: "Restez tranquilles!"; ou, plutôt, il articule d'une voix forte: "Silence dans les rangs!". Oh! ces rangs d'une rectitude parfaite d'où, à un signal donné, vingt jambes parallèles sortent en même temps! Sans doute, à notre époque, on parle beaucoup des bienfaits de l'éducation physique; mais c'est dans les livres, les revues et les journaux qu'on en parle. Je connais des écoles où, pour les élèves de dix ans comme pour les autres, l'histoire est une branche essentielle et la gymnastique une branche secondaire. Content de ne pas avoir oublié tout son    latin, on répète: Mens sana in corpore sano, mais on ne demande d'embellissement des âmes qu'à des cours d'histoire, de morale ou d'instruction civique et à des "résumés" de littérature. Et voilà pourquoi, madame, votre fille, qui est myope, maladive, disgracieuse et sans joie, n'est pas muette sur le chapitre de la Pléiade ni sur celui des empereurs romains"[24][24].

 

   A la suite de Rousseau et de nombreux pédagogues, Roorda rappelle que le jeu est essentiel à l'enfance et qu'il peut être le support qui permet d'acquérir d'autres connaissances. C'est en jouant que l'enfant peut s'approprier "des notions importantes sur les rapports numériques des choses"[25][25]. Le corps de l'enfant est en quelque sorte la base sur laquelle s'édifiera sa vie future; il ne doit pas être sacrifié au profit de matières scientifiques et intellectuelles.

   La seconde conséquence de l'enseignement livresque est que les enfants s'habituent à ne considérer le monde qu'au travers des mots. Rousseau se moquait des précepteurs qui étaient satisfaits de leurs élèves parce que ceux-ci jasaient comme de grandes personnes ou étaient capables d'aligner, pour satisfaire la vanité de leurs parents, des séries de mots dont le sens leur échappait totalement. Ce qu'enseignent les pédagogues aux enfants, disait-il, ce sont "des mots, encore des mots et toujours des mots. Parmi les diverses sciences qu'ils se vantent de leur enseigner, ils se gardent bien de choisir celles qui leur seraient véritablement utiles, parce que ce seraient des sciences de choses et qu'ils n'y réussiraient pas, mais celles qu'on paraît savoir quand on en sait les termes: le blason, la géographie, la chronologie, les langues, etc. Toutes études si loin de l'homme et surtout de l'enfant que c'est une merveille si rien de tout cela lui peut être utile une seule fois en sa vie"[26][26].

   Roorda voit dans l'école de la fin du dix-neuvième siècle la même attitude. A l'univers réel, elle substitue un monde formel et vide qu'elle a fabriqué avec des mots: "Elle enseigne des règles, des classifications; elle montre des chefs-d'œuvre, des modèles, formes depuis longtemps refroidies, que la vie anima une heure. On peut dire que la paléontologie est la seule science que l'école ait jamais enseignée"[27][27]. L'école, en effet, n'a pas le temps. le maître qui a affaire à cinquante élèves, de caractère et d'intelligence variés, est contraint de présenter un savoir tout fait pour respecter le programme et aborder toutes les matières. Pas question pour lui de "laisser mûrir l'enfance dans l'enfant" comme le voulait Rousseau. Il est celui qui a la connaissance face à ceux qui ne l'ont pas et les écoliers, dans un tel système, finissent par n'être plus que des compteurs de fautes. Savoir est pour eux savoir répéter: on leur apprend la parodie de la pensée, mais non pas à penser par eux-mêmes. Roorda s'en prend violemment à l'institution scolaire qui prépare les futurs citoyens à accepter sans aucun sens critique les discours qui les alièneront à tout jamais. "L'Ecole ne veut pas que l'enfant soit l'enfant. Elle veut qu'il parle le jargon du spécialiste et qu'il soit la caricature de l'homme"[28][28]. La science qu'on enseigne à l'écolier est stérile, car elle est immobile et imprévue; l'école donne à sa pensée une forme définitive: elle pense pour lui. Roorda n'a pas de mots assez durs pour condamner cette "perfection" que croit atteindre le maître chez le "bon élève":

 

"On ne peut pas mieux souligner la faute irréparable que l'Ecole commet en abrégeant notre enfance. Répétons-le: on oblige trop tôt l'écolier à parler la langue des adultes; on lui enseigne trop tôt la science et la sagesse des adultes; et on lui       impose beaucoup trop souvent l'immobilité des vieillards. Ainsi, en lui faisant jouer un rôle qui n'est pas pour lui, on lui fournit quotidiennement l'occasion de constater sa maladresse et son ignorance. Il n'y a pas là de quoi le rendre joyeux"[29][29].

 

   Les programmes scolaires sont également l'objet d'une attaque très vive, mais aussi très humoristique de Roorda. Il emploie sa verve à montrer l'absurdité du système. Pour lui, comme pour Rousseau, les différentes matières qui composent le savoir, ne sont pas à séparer comme le fait l'école. Rousseau montrait comment le dessin menait Emile à la géométrie et celle-ci à l'astronomie, comment l'histoire et la géographie pouvaient se rencontrer dans une même leçon. Roorda le rappelle et montre que les distinctions opérées à l'époque moderne conduisent chaque enseignant à accabler l'enfant de connaissances soi-disant indispensables:

 

"Non seulement tout collégien de douze ans sait le nom de Lycurgue, mais il sait aussi celui de Cambyse et bien d'autres       noms encore. C'est que, dit-on, il y a des noms trop importants pour que l'enfant les ignore. Charles-Quint est en tous cas de ceux-là; Charlemagne aussi. Et le Bramapoutre! Voilà ausi un fleuve dont il importe de retenir le nom. Un libéral voudra bien laisser ignorer aux écoliers la ville d'Allahabad, mais jamais il ne sacrifiera Bombay, Calcutta et le Bramapoutre.

   Le Bramapoutre est important pour ceux qui en comprennent l'importance. Qu'est-ce qui fait comprendre à l'enfant l'importance de ce fleuve? C'est que, s'il en oublie le     nom avant demain, il aura une moins bonne note"[30][30].

 

   Roorda a toute facilité pour faire constater à son lecteur que la culture superficielle donnée par l'école est dite "générale" parce que "c'est celle-là qui a été généralisée". La grande majorité des connaissances que l'enfant apprend en classe n'ont de la valeur que pour le pédagogue: "encore une fois", ajoute Roorda, "le seul avantage qu'offrent pour nous la plupart des vérités qu'on nous enseigne en classe est que nous pourrons, si notre mémoire est bonne, les énoncer à toutes occasions. Mais elles sont sans influence appréciable sur notre vie".

 

"C'est Racine qui a écrit Andromaque; c'est Annibal qui fut vaincu à la bataille de Cannes et non pas le roi Dagobert; les abeilles appartiennent à l'ordre des hyménoptères et enfin, la racine carrée de deux est un nombre incommensurable: c'est entendu. mais ce qui importe pour chacun de nous, c'est autre chose. Qu'on soit ébéniste ou marchand de drap, historien ou paysan, on a d'abord besoin d'être en bonne santé; pour bien vivre, chacun a besoin aussi de clairvoyance, de volonté et de courage; enfin, celui-là aura le moins de chances de connaître l'ennui à qui, dès sa jeunesse, on aura su donner le goût de l'activité et à qui l'on aura appris à découvrir de la beauté dans le monde. Etre fort: c'est le seul problème qui se pose à nous chaque jour"[31][31].

 

   Au lieu de cette force et de cette aptitude face à la vie, l'école dispense un vernis de connaissances. Une personne cultivée de l'espèce ordinaire connaîtra le nom de Madame de Sévigné, se rappellera qu'elle vivait au dix-septième siècle et qu'elle écrivait des lettres charmantes, mais ce sera à peu près tout. Son savoir scientifique risque par contre d'être assez faible, affirme Roorda, et il précise son point de vue:

     

"Le propre des gens cultivés dont je parle ici (de ceux qui doivent toute leur culture à l'Ecole), c'est qu'ils disposent d'un vieux stock d'anecdotes, de métaphores, de noms célèbres, de clichés, de souvenirs mythologiques et d'expressions classiques qui leur permettent de se comprendre à demi-mot. Ils comprennent les allusions fines, toujours les mêmes, qui émaillent la conversation de leurs semblables et les articles de nombreux journalistes. Quand l'occasion s'en présente, ils savent dire: Nourri dans le sérail... Et il y a une bonne trentaine d'autres vers fameux qu'ils citent au bon moment. Lorsque, devant eux, un ignorant parle avec intérêt de quelque événement récent, ils lui apprennent avec une satisfaction réelle que "cela s'est déjà passé à Rome, il y a deux mille ans"; et ils sont capables d'ajouter en latin: "Il n'y a rien de nouveau sous le soleil".

   Il s'est tout de même produit dans le monde, durant ces vingt derniers siècles, quelques petits changements. mais on n'habitue pas les écoliers à se poser des problèmes nouveaux. Inlassablement, on les met en mesure de répondre à des questions prévues; et la culture scolaire est un vernis, facilement reconnaissable, que promènent dans le monde tous ceux qui, dans leur jeunesse, ont consacré des milliers d'heures à préparer des examens"[32][32].

 

   L'enfant, alors qu'il est plein de vie, mérite-t-il d'être enfermé pendant tant de temps pour acquérir un tel bagage et tenir plus tard un tel verbiage dans les soirées mondaines, demande Roorda.

   Ce dernier repousse l'apprentissage de la lecture par l'enfant après onze ans comme Rousseau, car il pense comme le philosophe que "jusqu'alors, elle n'est bonne qu'à l'ennuyer"[33][33]. L'auteur d'Emile avait dénoncé les "fades leçons", les "longues morales" et les "lourds préceptes" qui dégoûtaient l'écolier le plus appliqué: l'aversion, l'ennui et le mépris étaient les réponses que celui-ci donnait le plus souvent à un enseignement qui était l'ennemi de tout plaisir[34][34]. La critique de Roorda ne se borne cependant pas à cette seule constatation. Comme solution à cet asservissement de l'enfance, l'auteur du Pédagogue n'aime pas les enfants propose que le maître sollicite chaque jour l'intérêt de ses élèves en variant ses leçons, en introduisant des éléments imprévus et même en amenant les écoliers à trouver par eux-mêmes. Au lieu du savoir tout fait qui est surtout une facilité pour l'enseignant, au lieu du discours magistral qui permet à celui-ci d'obtenir "une demi-heure de calme relatif"[35][35], et de ces listes de mots qui seront bientôt et à jamais oubliées, Roorda souhaite que l'école permette à chaque enfant de développer autant que possible ses aptitudes:

 

"Nos aptitudes sont en quelque sorte pour nous de la science à l'état potentiel. Quand nous les exerçons quelque chose de durable s'organise au fond de notre être. En habituant l'écolier à s'exprimer avec clarté et précision; en le stimulant pendant des années, à découvrir de petites différences et de profondes analogies; en l'accoutumant à distinguer les paroles qu'il comprend nettement de celles qu'il ne comprend guère; en lui faisant comprendre dans quels cas il peut affirmer ou s'affirmer et dans quels cas il doit dire: "Je ne sais pas"; en l'exerçant aussi à reconnaître ce qu'il y a d'insuffisant dans certaines argumentations; en lui donnant le goût, le besoin de l'activité; en fortifiant ses muscles; en développant l'adresse de ses doigts par de fréquents travaux manuels, on accroît d'une manière définitive sa puissance, on embellit toute sa vie. En poursuivant ce but, l'Ecole serait sûre de ne pas compromettre l'avenir de ces élèves qui reste pour elle absolument indéterminé"[36][36].

 

   L'école procurerait alors enthousiasme et énergie à ceux qui lui sont confiés et ces derniers, après l'avoir quittée et être rentrés dans l'univers du travail, bénéficieraient encore de cet apport. "Ils sauraient résister à la déformation qui menace tous ceux qui par une besogne invariable et monotone doivent gagner leur pain de chaque jour".

   Roorda, pour réaliser cet idéal, envisage une école plus élargie que celle qui existe. Se rappelant sans doute les pages où Rousseau décrit la manière choisie par lui pour éduquer un enfant capricieux qu'on lui avait confié, et la mise en scène qu'il avait organisée avec les voisins pour lui faire honte[37][37], Roorda voit aussi dans la rue un lieu éducatif. Elle permet à l'enfant qui s'y promène de découvrir les divers métiers qui s'y exercent: "cela vaudra bien le cinéma", conclut notre auteur[38][38]. Cet éloge de l'école dans la vie doit cependant autant au socialisme et aux nouvelles pédagogies qu'à Jean-Jacques, mais là où la part de Rousseau est indéniable, c'est dans l'importance que Roorda donne à l'émerveillement de l'enfant pour une meilleure acquisition du savoir.

   Emerveiller l'enfant est un leitmotiv que l'on retrouve pratiquement dans tous ses écrits. Dans L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité: "Qu'à l'école l'enfant vive dans la joie; qu'il trouve là, dès la première heure, du plaisir à se servir de ses sens et de sa raison. Il faut qu'il soit émerveillé; il faut qu'il le soit chaque jour[...]. Oui, l'admiration est bien le plus grand remède, puisque la révolte contre l'injustice, le faux et le laid est de l'admiration encore"[39][39]. Dans Les Effets de l'éducation moderne: "Le malheur est qu'on ne s'applique pas à émerveiller l'écolier. On  y parviendrait si facilement! Qu'on lui donne l'"illusion" que la vie est belle: ce sera moins dangereux que de lui persuader insensiblement que le travail est une chose ennuyeuse"[40][40]. Dans Le Pédagogue n'aime pas les enfants, en 1917, Roorda détaille ce que pourrait être une journée d'écolier dans une "école meilleure" que celle qui existe. Après avoir consacré les deux premières heures de la matinée à des matières diverses, il propose que la troisième s'attache "à la culture de l'enthousiasme":

 

"Durant cette heure-là, les maîtres n'auront pas d'autre but que d'intéresser vivement, ou d'émerveiller, ou d'émouvoir leurs élèves, en leur révélant tout ce qu'il y a de beau dans       l'univers et dans l'esprit de l'homme"[41][41].     

 

   L'enseignant doit utiliser pour ce faire les moyens les plus modernes, afin d'accroître chez les enfants leur désir de savoir, d'entreprendre et de créer, sans pour autant que cette heure consacrée à l'émerveillement devienne une corvée pour eux. Roorda insiste particulièrement sur ce point: l'admiration ne doit pas être pour les élèves un sentiment obligatoire. "Ils pourront être d'une insouciance absolue. Durant cette heure-là, on leur donnera l'instruction gratuite pour rien. Leur seul devoir sera de ne pas déranger les autres. Tout l'effort, ce sera le maître qui le fera"[42][42]. Cette heure offrira donc une grande variété et plutôt que d'une leçon, prendra la forme d'une conférence, d'un débat contradictoire, d'une expérience de physique. Les élèves pourront proposer ce qu'ils désirent faire et le maître accueillera des personnes de bonne volonté ayant de l'expérience à communiquer, qui parleront de leur métier, de leur expérience ou d'un sujet qui les passionne. Rousseau est ici un modèle très proche, lui qui introduit auprès d'Emile Robert le jardinier, des paysans ou le joueur de gobelets. Comme Rousseau aussi, Roorda souhaite que pendant cette heure, les frontières entre les diverses matières soient abolies et qu'on montre enfin "un peu d'unité dans la science en ramenant tout aux besoins fondamentaux de l'homme, aux moyens qu'il a imaginés pour les satisfaire et aux difficultés qu'il a rencontrées"[43][43]. Et Roorda de rêver à ces jeunes enfants qui, à midi, de retour à la maison, diront  à leur mère qui les interroge sur leur travail scolaire: "Oh! maman, c'était beau!".

   A la fin de sa vie cependant, Roorda montre quelque pessimisme quant à cette possibilité d'enthousiasmer les élèves. Non que la faute en revienne à ceux-ci, mais les habitudes et l'inertie du système scolaire font que toute réforme est laborieuse. Dans Avant la grande réforme de l'an 2000 qui paraît l'année de sa mort, en 1925, Roorda écrit en guise de préambule que la foi de sa jeunesse n'étant pas encore tout à fait morte, il lui a plu de tirer de nouveau avec sa sarbacane sur le solide édifice scolaire. "Ceux qui vivent dans cette inébranlable forteresse devraient sourire. ne sont-ils pas assez nombreux et assez habiles pour me prouver la faiblesse de mon offensive?"[44][44]. Ce n'est donc plus une heure quotidienne d'enthousiasme qu'il demande pour les écoliers, ces "figurants dont les professeurs ont besoin pour faire leurs cours et qu'ils se passent, d'heure en heure, courtoisement", mais quelques minutes seulement. Sa résignation est sensible, même s'il soutient toujours qu'on ne peut traiter les enfants comme on les traite à l'école:

 

"Ce serait déjà une bonne école, celle-là où, chaque jour, pendant quelques minutes, l'enfant serait émerveillé ou, simplement, étonné par ce qu'on lui révèle. Il y a un âge où l'on s'étonne facilement"[45][45].

 

   Roorda soutient cependant toujours qu'il existe, parmi tout ce que l'école inculque aux enfants "pour cette raison que plus tard, ils ne pourront pas s'en passer", des choses qui sont belles et qui pourraient servir à autre chose qu'à attraper des mauvaises notes. l'écolier devrait pouvoir assister à certaines leçons sans aucune inquiétude et découvrir encore avec enthousiasme le monde que lui propose le maître. Pour peu que celui-ci soit bienveillant, pour peu qu'il ne travaille pas contre l'enfant, mais avec lui, une autre école pourrait naître enfin.

   Roorda insiste sur l'enseignement qui mettrait l'enfant en position de chercheur, d'inventeur ou de créateur. Plutôt que de recevoir passivement un savoir tout fait, il propose que l'écolier fasse de lui-même la démarche qui lui permettrait de comprendre le fonctionnement d'une division ou d'un moteur, qu'il soit l'auteur de poèmes ou de récits au lieu d'apprendre par cœur des textes écrits par d'autres. On se souvient de la réaction d'A.S. Neill qui, après avoir terminé ses études, affirma qu'au lieu de passer quatre ans à étudier ce qu'Hazlitt ou Coleridge avaient dit de Shakespeare, il aurait dû écrire une pièce lui-même. Et il ajoutait: "Ecrire un mauvais limerick vaut mieux que d'apprendre par cœur Le Paradis perdu"[46][46].

   L'enseignement scientifique ne vaut en ce domaine pas mieux que l'enseignement littéraire. Et Roorda de montrer comment le maître renonce au travail patient qui consisterait à faire des expériences et des mesures précises pendant plusieurs heures pour donner à ses élèves une idée claire des trois quantités représentées par les lettres R et I dans la formule I=E/R. Il conclut:

 

"Dans toutes les villes du monde, il existe de nombreux collégiens qui, chaque semaine, récitent avec docilité des formules scientifiques dépourvues de "substantifique moelle""[47][47].

 

   Dans La Notion du Parfait dans l'enseignement, Roorda explique pareillement qu'en agissant de la sorte, l'école transforme les enfants en machines à calculer. Mais, "si l'on voulait voir dans l'enfant une personne et non pas un futur rouage du mécanisme social, on l'éduquerait autrement":

 

"Supposons que l'écolier ait à rechercher la racine carrée d'un très grand nombre. Qu'on lui suggère, s'il n'y songe pas lui-même, de calculer tous les produits: deux fois deux, trois fois trois, quatre fois quatre, etc., jusqu'à ce qu'il trouve le facteur donnant le résultat voulu. Il reconnaîtra bien vite qu'il n'est pas nécessaire de calculer tous ces produits, beaucoup d'entre eux ayant une valeur sûrement trop faible. Abrégeons. Il est toujours possible, qu'il s'agisse de racines carrées ou d'autres calculs, de passer d'une manière à peu près continue des tâtonnements les moins élégants au procédé sous sa forme classique. C'est ce chemin qu'il faut faire suivre à l'enfant. Il ne sera d'ailleurs pas indispensable de le lui faire suivre jusqu'au bout (à supposer qu'on en connaisse déjà le bout). Que la route parcourue reste ouverte sur de nouveaux progrès possibles. Si l'écolier s'arrête avant ou à côté du procédé parfait, cela n'a aucune importance. Il aura senti lui-même le besoin de perfectionner ses moyens: il aura assisté à l'activité de sa propre intelligence; il aura compris: c'est l'essentiel"[48][48].

 

   Roorda voit dans le travail manuel et le dessin des moyens de pallier l'absence de créativité à l'école. Il cite les pages d'Emile où Rousseau vante la pratique du dessin qui rend "l'œil juste et la main flexible", et se souvient des passages où il insiste sur l'importance de connaître un métier manuel. Il se rappelle sans doute aussi les théoriciens socialistes et anarchistes qui affirmaient, comme Bakounine, que le travail manuel et le travail intellectuel n'étaient pas opposés comme le disait la société bourgeoise, mais concourraient tous deux à offrir des joies plus fécondes à l'individu qui les pratiquait[49][49]. Le dessin apparaît surtout à Roorda comme une activité plaisante et ludique qui correspond à la nature des enfants. Comme Rousseau, il a noté que ces derniers, "grands imitateurs, essaient tous de dessiner"[50][50], et il ne voit pas dans l'art graphique ou pictural une de ces matières rébarbatives qui désolerait les écoliers. Il se peut aussi que son insistance à louer cette pratique soit due au fait qu'elle est déjà inscrite dans les programmes: le dessin peut être un moyen d'ouvrir l'école sur un autre monde plus créatif sans pour autant heurter de front l'institution scolaire. Roorda ne développe cependant pas de théories sur l'art ou le goût comme l'avait fait Rousseau dans Emile. Son propos est bien plus limité et s'attache à l'utile plus qu'à la philosophie. Il ne s'agit pas tant de conduire l'enfant à s'engager sur la voie du Beau que de lui offrir une activité récréative qui l'épanouit et lui procure de la joie pendant cette période si courte de l'enfance.

   On s'en rend compte, Roorda est certes un lecteur enthousiaste de Rousseau, mais son dessein diffère totalement de celui de son maître. Il tente, en effet, non pas de former un homme complet comme le fait le gouverneur, mais d'introduire un peu de l'esprit d'Emile dans la lourde machine scolaire de la Troisième République. On ne trouve pas sous sa plume de considérations sur l'éducation négative ou sur la religion naturelle telle que l'exprimait le Vicaire savoyard. Que Rousseau ait insisté sur la difficulté d'éduquer plus qu'un seul élève est également passé sous silence. C'est que, pour Roorda, Emile n'est pas un livre à suivre à la lettre. C'est avant tout une défense de l'enfant qui est toujours actuelle un siècle et demi plus tard. Roorda voit l'enfant du même point de vue que Rousseau et, occupant cette place, ne peut adhérer aux formes d'éducation proposées par l'école, puisqu'elles soumettent l'écolier aux programmes, aux méthodes et aux enseignants. Le sort des tout-petits a certes été amélioré: Pauline Kergomard avait notamment reproché aux anciennes salles d'asile qui les accueillaient d'être des lieux sans hygiène où trop d'enfants étaient enrégimentés pour subir un enseignement abstrait et réciter sans comprendre des leçons ineptes[51][51]. Roorda fait le même reproche à l'école, mais pour des enfants de dix à douze ans, et son propos se heurte aux préjugés des parents et des enseignants qui voient déjà dans l'écolier de cet âge l'individu qui occupera plus tard telle ou telle place dans la société, et rien d'autre.

   Roorda n'est pas le seul à faire ce constat à cette époque. Edouard Claparède, en 1912, reconnaît comme lui que l'éducation a connu un progrès évident depuis le dix-huitième siècle, mais il note aussi que la pédagogie pratique est restée "embourbée dans le conservatisme le plus obstiné, le plus fermé aux idées nouvelles"[52][52]. Et il ajoute :

 

"Pas plus aujourd'hui qu'avant Rousseau ce n'est l'enfant qui est la mesure du programme prescrit et de la méthode adoptée (sauf dans les écoles enfantines et les jardins d'enfants, où, incontestablement, de réels progrès ont été accomplis). On nous dit, on nous répète sur tous les tons, dans les discours solennels et même dans les plans d'étude, que dès longtemps l'enseignement ne s'adresse plus à la mémoire, que l'on cherche plus à développer l'esprit qu'à le gaver de savoir. Et, cependant, quand on y va voir de près, on s'aperçoit qu'aujourd'hui comme au temps de Montaigne, c'est la mémoire qui est le porte-à-faux de tout l'enseignement, et que l'éducation, non seulement morale, mais aussi intellectuelle, est fort négligée.

    Si vous suivez un peu le travail d'un de nos écoliers, vous         vous apercevrez bien vite que quantité d'enseignements, dont le but véritable serait de stimuler l'art de la parole, le jugement, la réflexion, ou de développer des qualités affectives, se ramènent, pratiquement, à des emmagasinages stériles de leçons apprises, avec un luxe inouï de détails inutiles et souvent au-dessus de la portée de l'enfant"[53][53].

 

   Et Claparède de montrer l'absurdité du système aussi bien pour ce qui concerne l'apprentissage de la langue maternelle que pour celui des langues étrangères, des langues mortes, des sciences naturelles et même des mathématiques. "L'appel de Rousseau n'a pas été entendu". Pour lui, ce ne sont ni les gouvernements ni les instituteurs qui sont responsables de cette situation. Si les vérités pédagogiques contenues dans Emile et bien d'autres livres depuis, ne se sont pas imposées, c'est parce qu'elles manquaient de la base scientifique indispensable qu'il va mettre en application cette année-là à l'Institut J.-J. Roussseau de Genève. Roorda agissait seul et à son échelle, d'où le peu de résultat obtenu et l'idée de plus en plus évidente que l'édifice scolaire était inébranlable et imperméable à toute amélioration. Ses derniers écrits mentionnent Claparède et son livre sur La Psychologie de l'enfant[54][54], mais le découragement est latent. Non seulement Roorda doute du fait que sa parole soit entendue un jour, mais il en vient à rêver à une école meilleure réservée à quelques privilégiées, puisque tous les enfants ne peuvent connaître le bonheur de vivre une vie d'enfant dans la société actuelle. Il termine son dernier livre par ces considérations sur les écoles publiques de son époque:

 

"Ces écoles accomplissent peut-être leur fonction beaucoup mieux que je ne le crois. Il importe peut-être, avant tout, que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des hommes fassent assez tôt l'apprentissage de la docilité. Mes vœux n'en sont pas moins légitimes. Je voudrais qu'en l'an 2000 l'Etat fût assez désintéressé, assez artiste, pour favoriser  dans une Ecole "de luxe" le développement de quelques esprits libres sur lesquels il ne pourra jamais compter"[55][55].

 

   A la fin de sa vie aussi, Roorda sait que ce qu'il écrivait en 1898 dans L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité, garde toute sa valeur. Rousseau est bien "un écrivain de demain"[56][56]. Et cette citation nous paraît complémentaire de celle-ci dont la portée n'est pas près de faiblir: "Dans notre enfance, on nous a promis le Paradis: nous l'attendons"[57][57].

 

Auteur:Tanguy L’Aminot

Directeur de l’équipe J.-J. Rousseau à l’Université de Paris-Sorbonne

 

 

  [1][1].Pamphlets pédagogiques (H. Roorda: Le Pédagogue n'aime pas les enfants; Edmond Gilliard: L'Ecole contre la vie; Denis de Rougemont: Les Méfaits de l'instruction publique), Lausanne, L'Age d'Homme, 1984, 179 p. Roorda ne se faisait pas d'illusion sur le succès de ses écrits: "C'est triste à dire: les réformateurs de l'An 2000 ne liront sûrement pas ma brochure, laquelle aura sombré, comme beaucoup d'autres ouvrages, dans l'océan des imprimés. Je vais donc me contenter de causer avec une demi-douzaine de lecteurs d'aujourd'hui", écrivait-il dans Avant la grande réforme de l'an 2000, Œuvres complètes, Lausanne, L'Age d'Homme, 1970, t. 2, p. 116. Nous abrègerons par la suite: O.C.

  [1][2]. H. Roorda, Avant la grande réforme de l'an 2000, O.C. 2, p. 147-148. "Rappelerai-je encore cette impression que fit sur ton enfance la noble et douce humanité d'un père incapable de voir le mal et de t'en donner garde; dirai-je cette maison de Clarens si amicalement ouverte à l'exilé qui s'appelait Elisée Reclus ("J'ai été élevé sur les genoux d'Elisée Reclus"); celui-là, le vrai maître de ta jeunesse rayonnante d'espoir bienfaisant, de sensibilité confiante, et qui croyait si simplement à la facilité du bien et à l'amabilité de la vertu", écrivait Edmond Gilliard dans son essai A Henri Roorda, Lausanne, Bibliothèque romande, 1973, p. 30-31.

  [1][3]. Voir Max Nettlau, Elisée Reclus, Anarchist und Gelehrter (1830-1905), Berlin, Der Syndicalist, 1928, p. 250. Dans son Histoire de l'anarchie (Paris, Artefact, 1986, p. 211), M. Nettlau, évoquant le milieu révolutionnaire suisse des années 1880-1900, écrit aussi: "Une nouvelle génération montait avec les jeunes et les étudiants, tels que Stoyanoff, Atabekian, samaja, Bertoni, Ettore Molinari. dans ce milieu se forma un jeune libertaire qui devint un des auteurs les plus antiautoritaires et anticonformistes de son pays et un expert en éducation libertaire: Henri Roorda van Eysinga".

  [1][4]. Lettre inédite à Ferdinand Domela Nieuwenhuis, sans date, figurant dans le Fonds Domela Nieuwenhuis à l'Institut International d'Histoire Sociale (Internationaal Intituut voor Sociale Geschiedenis) d'Amsterdam. Je remercie M. Kees Rodenburg, responsable de la collection française de cet Institut, de m'avoir signalé et communiqué la copie des quatre lettres de Roorda figurant dans ce fonds.

  [1][5]. H. Roorda van Eysinga, "Elisée Reclus propagandiste", La Société nouvelle (Mons), août 1907, p. 186-199.

  [1][6]. Sébastien Faure, Ecrits pédagogiques, Paris, Editions du monde libertaire, 1992, p. 83. Pour une vue d'ensemble sur l'éducation libertaire, on pourra se reporter à mon article: "James Guillaume et l'éducation libertaire" dans Former un nouveau peuple? Pouvoir, éducation, révolution, édité par Josiane Boulad-Ayoub, Paris, Québec, L'Harmattan, Les Presses de l'Université Laval, 1996, p. 97-117.

  [1][7]. Elisée Reclus, L'Avenir de nos enfants, Lille, G. Lagache, 1886, p. 5.

  [1][8]. Lettre inédite à F. Domela Nieuwenhuis, 16 juin 1892. Fonds Nieuwenhuis, Institut International d'Histoire Sociale, Amsterdam.

  [1][9]. Ibid., 20 Novembre 1892. Dans Quarante ans de propagande anarchiste (Paris, Flammarion, 1973, p. 196-197), Jean Grave évoque un épisode de leurs relations.

  [1][10]. Ibid., 30 juin 1894.

  [1][11]. J'ai réédité ces deux textes dans le numéro 9 des Etudes J.-J. Rousseau (Montmorency, 1997, p. 217-260).

  [1][12].Boletin de la Escuela moderna, édité par Albert Mayol, Barcelona, Tusquets, 1978, p. 49-58 et 83-98.

  [1][13]. Voir le compte rendu de C. Jaccottet dans L'Enseignement mathématique, XVIII° année, 1916, p. 441-444.

  [1][14]. Sur l'école Ferrer de Lausanne, voir Roland Lewin, Sébastien faure et "La Ruche", ou l'éducation libertaire, La Botellerie, Ivan Davy, 1988, p. 225-227.

  [1][15]. H. Roorda, O.C. I, P. 226.

  [1][16]. H. Roorda, L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité dans Etudes J.-J. Rousseau, 9, 1997, p. 220.

  [1][17].J.-J. Rousseau, Emile, Œuvres complètes, IV, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1969, p. 419. Nous abrègerons O.C. par la suite.

  [1][18]. H. Roorda, L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité, op. cit., p. 222.

  [1][19]. H. Roorda, O.C. 1, p. 231.

  [1][20]. Ibid., p. 251.

  [1][21]. Le noircit-il vraiment? On ne peut oublier ici la dédicace d'Un homme libre aux enfants et aux tout jeunes gens. Maurice Barrès y écrit: "Les collégiens sont à peu près les seuls êtres qu'on puisse plaindre. Encore la moitié d'entre eux sont-ils des petits goujats qui empoisonnent la vie de leurs camarades. Nous autres adultes, nous nous isolons, nous nous distrayons selon le système qui nous paraît convenable. Au collège, ils sont soumis à une discipline qu'ils n'ont pas choisie: cela est abominable. J'ai relevé avec piété, depuis six à sept ans, les noms des enfants qui se sont suicidés. C'est une longue liste que je n'ose pas publier. J'aurais aimé dédier à leur mémoire ce petit livre, mais il m'a paru que j'irais contre leurs intentions, en répandant leurs noms dans la vie".

   [1][22]. L'Apprentissage de la docilité, p. 222.

   [1][23]. Ibid., p. 223.

   [1][24]. H. Roorda, Les Effets de l'éducation moderne dans La Revue blanche, 220, août 1902, p. 518.

  [1][25]. L'Apprentissage de la docilité, p. 224. Les directives ministérielles de l'époque reconnaissent l'importance du jeu chez l'enfant de 2 à 6 ans, mais un livre comme celui de Pauline Kergomard et Mlle Brès (L'enfant de 2 à 6 ans, Paris, Nathan, 1928, 3° édition) qui développe et illustre les textes officiels, montre à quel point tout est codifié. On y précise bien "que les récréations échelonnées ne fassent (...) pas redouter un bruit constant incommode pour l'entourage: l'enfant occupé par son joujou, en devient presque silencieux, comme dans les jardins publics. C'est l'absence de jouets qui rend tapageur, parce qu'on exhale en cris l'activité qu'on ne sait pas dépenser autrement" (p. 83).

  [1][26]. J.-J. Rousseau, Emile, O.C. IV, p. 346.

  [1][27]. H. Roorda, L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité, p. 243.

  [1][28]. Ibid., p. 244.

  [1][29].H. Roorda, Avant la grande réforme de l'an 2000, O.C. 2, p. 154.

  [1][30]. L'Apprentissage de la docilité, p. 231.

  [1][31]. H. Roorda, La Notion du Parfait dans l'enseignement dans La Revue blanche, 212, avril 1902, p. 534.

  [1][32]. Le pédagogue n'aime pas les enfants, O.C. 1, p. 245-246.

  [1][33]. J.-J. Rousseau, Emile, O.C. IV, p. 357.

  [1][34]. Ibid., p. 638.

  [1][35]. H. Roorda, Avant la grande réforme de l'an 2000, O.C. 2, p. 261.

  [1][36]. H. Roorda, Les Effets de l''éducation moderne, p. 531.

  [1][37]. Emile, O.C. IV, p. 367-368.

  [1][38]. H. Roorda, A prendre ou à laisser, O.C. 1, p. 124-125.

  [1][39]. L'Apprentissage de la docilité, p. 221.

  [1][40]. Les Effets de l'éducation moderne, p. 519.

  [1][41]. Le Pédagogue n'aime pas les enfants, O.C. 1, p. 272-273.

  [1][42]. Ibid., p. 273.

  [1][43]. Ibid., p. 274.

  [1][44]. Avant la grande réforme de l'an 2000, O.C. 2, p. 106.

  [1][45]. Ibid., p. 124.

  [1][46]. A.S. Neill, The Problem Child, Herbert Jenkins, 1926, p. 178 cité dans Ray Hemmings, Cinquante ans de liberté avec Neill, Paris, Hachette, 1981, p. 16.

  [1][47]. H. Roorda, Le débourrage des crânes est-il possible?, O.C. 1, p. 312-313.

  [1][48]. H. Roorda, La Notion du Parfait dans l'enseignement, p. 524.

  [1][49]. Michel Bakounine, L'Instruction intégrale dans Le Socialisme libertaire, Paris, Denoël/Gonthier, 1973, p. 123-124.

  [1][50]. J.-J. Rousseau, Emile, O.C. IV, p. 397. H. Roorda, L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité, p. 224-225.

  [1][51]. Voir Jean-Noël Luc, L'Invention du jeune enfant au XIX° siècle. De la salle d'asile à l'école maternelle, Paris, Belin, 1997, p. 386-389.

  [1][52]. E. Claparède, "Comme quoi l'appel de Rousseau n'a pas été entendu" (1912) dans L'Ecole sur mesure, Neuchâtel, Paris, Delachaux et Niestlé, 1953, p. 92.

  [1][53]. Ibid., p. 93.

  [1][54]. H. Roorda, Avant la grande réforme de l'an 2000, p. 154.

  [1][55]. Ibid., p. 163. Roorda connaissait sans nul doute Max Stirner qui écrivait dans L'Unique et sa propriété, en 1846: "Les jeunes sont majeurs quand ils gazouillent comme les vieux; on les pousse dans les écoles pour qu'ils y apprennent les vieux refrains, et, quand ils les savent par cœur, l'heure de l'émancipation a sonné" (Paris, Stock, 1899, p. 78-79).

  [1][56]. L'Ecole ou l'apprentissage de la docilité, p. 226. Un autre théoricien libertaire, C.A. Laisant, écrit en 1913 dans L'Education de demain: "Le titre "L'Education de demain", que j'ai choisi, m'oblige à présenter quelques explications, en terminant cette étude rapide. Que veut dire ce mot "demain"? J'entends par là ce qui succèdera nécessairement à l'état de choses actuel. Ce sera peut-être dans un an, peut-être dans un siècle" (Paris, Aux Bureaux des "Temps nouveaux", 1913, p. 28). Rousseau est un écrivain de demain face à un système qui ne respecte pas l'enfant. Il est un écrivain honni par les partisans de la poigne ou du fouet comme cet abbé Henri Morice qui publie en 1923 la troisième édition de L'Art de commander aux enfants (Avignon, Aubanel Père, imprimeur du Saint-Père) qui est un virulent manifeste antirousseauiste.

  [1][57]. H. Roorda, A prendre ou à laisser, O.C. 1, p. 68. Signalons enfin que Borghos Kévorkian, auteur d'un essai remarquable sur L'Emile de Rousseau et l'Emile des écoles normales, en 1948, avait procuré en 1930 une traduction arménienne du Pédagogue n'aime pas les enfants.

 

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