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Christophe Van Staen:ENDOSSER LA FOURRURE DU CHAT QUI GRIFFE

à défaut de pouvoir être lui[1]

 

Entre la coupe des intentions scientifiques désirées, affichées et revendiquées par la critique rousseauiste, et ses lèvres, il y a de la place pour autre chose d’invisible et d’impensé, à savoir des intentions d’ordre académique (la légitimité), autoritatif (la prévalence d’une lecture particulière et propre), ou esthétique (la virtuosité interprétative). Ces intentions contaminent régulièrement le discours scientifique consacré à Rousseau, et s’y mêlent tant, qu’on ne les y discerne plus. Ces « sauts intentionnels » permettent au spécialiste de se former une représentation de lui-même, au moins autant qu’elle lui permet de former une représentation de Rousseau ; il veut moins élucider l’identité de l’œuvre et de Rousseau, que se forger la sienne propre, sous le prétexte inavoué et impensé d’un rapport particulier, personnel et intime à l’œuvre ; volonté de vivre et d’exister à travers elle, de donner une consistance, un effet de réel, aux intentions qu’il peut avoir vis-à-vis d’elle[2]. Sous cet angle, la célébration de l’œuvre prend l’allure d’une autolégitimation de la critique, qui suscite les occasions qu’elle a de manifester ces états intentionnels et d’exister. Mais ce qui se trouve célébré alors, c’est moins le corpus lui-même, que la capacité à en développer et à en renouveler la critique.

En 2006, David Gauthier, dans une préface dialoguée servant d’introduction à son ouvrage, soulevait un problème majeur de la critique rousseauiste en s’objectant à lui-même :

 

I suppose you’ve convinced yourself you have something new to say about poor Jean-Jacques. But everybody thinks that.[3]

 

Cette pointe d’ironie touche au vif la critique rousseauiste, car il n’est pas difficile de repérer dans son histoire de nombreux épisodes ou textes témoignant d’une autocélébration de la critique, dont l’objet est désormais moins Rousseau que le rapport particulier et intime, unique et en un mot, privilégié, entretenu avec lui par le ou la spécialiste. Ce style a fait école, et je n’en citerai ici que quelques exemples : mais on pourrait sans doute écrire à son sujet une thèse complète.

 

La critique rousseauiste comme discours de soi

 

Prenons tout d’abord cette lettre de Georges Poulet à Marcel et Claire Raymond, datée de mars 1959. Marcel Raymond vient de terminer l’édition des Confessions pour les Œuvres complètes à la bibliothèque de la Pléiade, que Georges Poulet a aussitôt lue et admirée en ces termes :

 

[…] j’occupe mon temps libre à lire le Rousseau de Marcel. Impression enthousiaste et joie sans réserve, car, de tous points de vue, c’est l’édition rêvée, et chose infiniment plus importante encore, c’est, à travers Rousseau, Marcel qui transparaît plus abondamment, plus richement, plus profondément que dans n’importe quel autre écrit de lui […] depuis dix ans. Après les introductions, je m’amuse à lire les notes, une à une, dans l’espoir, bien souvent récompensé, d’y trouver – avec les informations exactes – une réflexion si adéquate à Rousseau et pourtant si authentiquement et si étroitement identifiée à la pensée du critique, que je puis avec la même facilité la prolonger en pensant à l’auteur des Rêveries ou à celui de la Tentation de l’Esprit [le livre de Raymond sur Valéry], non, je crois, que je commette l’erreur de confondre l’un avec l’autre, mais précisément la pensée du critique ne se révèle le plus profondément que là même où elle se fond avec son objet. De même que Rousseau est celui qui de tous les écrivains nous est le plus précieux parce qu’il nous apprend, lui le premier, à nous « mêler de plein de choses », ainsi Marcel est peut-être le premier critique à savoir se mêler à cette autre plénitude qui est celle de la chose critiquée. Mais est-il encore possible ici de parler d’objet et de chose ? Il me semble que la conscience critique a cela de particulier qu’elle est […] conscience de la conscience, saisie subjective, non d’un objet, mais d’un sujet. Car l’identification dont vous parlez souvent, « la coïncidence parfaite du sujet et de l’objet », n’est possible que lorsque, par le miracle d’un moi qui coïncide avec un autre moi, il n’y a plus d’objet, mais rien qu’un seul et même sujet[4].

 

Je pourrais également détailler les tentatives d’appropriation négatives, où avoir un rapport privilégié avec Rousseau, revient à se l’approprier ; et où se l’approprier doit nécessairement revenir à combattre et abattre les thèses de l’autre qui cherche à se l’approprier, lui aussi. C’est un combat de prédateurs. Songeons aux échanges violents entre Jacques Derrida[5] et Paul de Man[6] entre 1967 et 1971 ; à l’opposition virulente qu’on put observer entre Althusser[7] et Todorov[8] à plusieurs années de distance (entre 1967 et 1984) ; ou encore, plus récemment, à la lecture de Nanine Charbonnel, qui exige de son lecteur d’être adoptée tout entière, au détriment du reste de la critique rousseauiste, ou d’être rejetée tout entière, auquel cas le lecteur en question rejoint inéluctablement le rang bien fourni de lecteurs de Rousseau décrits comme aveuglés et ingénus (parmi lesquels sont placés Derrida, de Man, Todorov, mais aussi Goldschmidt, Bernardi et Lévi-Strauss pour ne citer qu’eux)[9].

Toujours près de nous, songeons également à Alain Viala et à sa leçon inaugurale d’Oxford conçue à la manière d’un exercice de style, comme une lettre adressée directement à Jean-Jacques[10]. Songeons encore à Jérôme Meizoz, qui inclut dans son ouvrage un entretien entre lui-même et Yvette Jaggi, et en vient bientôt à se confesser, lui aussi, évoquant le rapport politique de Rousseau  à sa propre généalogie familiale[11].

Autre exemple : Jacques Berchtold, qui en 2005 transformait son article consacré aux « études rousseauistes » en l’autobiographie d’un chercheur contemplant son propre parcours, en défense et illustration de la thématologie sur laquelle il fonde sa méthode[12]. Autre exemple encore : le numéro spécial de la revue Europe dans lequel, en 2006, nous étions conviés à une psychanalyse rousseauiste, où chacun expliquait la nature exacte de son rapport unique avec Rousseau[13]. Enfin, on ne peut plus proche de nous, mentionnons le site Internet du colloque « Amis et ennemis de Rousseau » organisé par la ville de Genève à l’occasion du tricentenaire, où différents spécialistes ont été invités à l’exercice du « récit de vie scientifique » par la question qui leur était posée : « Quel est votre lien avec Rousseau ? » [illustration 1].

L’étude de la réception s’offusque à raison de diverses récupérations idéologiques de l’œuvre, mais n’insiste peut-être pas encore assez sur ces aspects cachés, qui à la manière de la lettre volée, nous échappent précisément par leur présence évidente et permanente. Ceux-ci ne consistent plus en un détournement lié à quelque mouvement social, intellectuel, politique ou philosophique, mais en la mise en place d’intentions cachées, qu’il ne serait pas vain d’étudier. Chacun étant en effet animé de la conviction manifeste d’avoir quelque chose de neuf à dire sur le compte du pauvre Jean-Jacques[14], il convient de s’interroger sur ce qui dans l’œuvre nous parle, et nous fait irrésistiblement prendre la parole à notre tour : s’agit-il bien du système philosophique, de l’œuvre littéraire, de la vie et du caractère de Rousseau ? Ou s’agit-il de ce que nous en remportons par et pour nous-mêmes ? D’où vient ce narcissisme inavoué qui nous fait passer d’une situation où la critique de l’œuvre n’existe que parce que l’œuvre existe, à une autre situation, biaisée, où l’œuvre n’existerait plus que parce que survit sa critique, et l’idiosyncrasie des états intentionnels de cette critique à une entité disparue ? D’où vient que chaque chercheur puisse se convaincre, dans la solitude de son travail, de ce rapport d’interprétation privilégié qui le lie à Rousseau ?

Certes, cette tentation est d’autant plus grande, qu’elle se trouve aujourd’hui encouragée par l'évolution contemporaine de la critique, de la recherche, et de sa technologie. Mais à côté de ces explications générales, qui peuvent bien valoir pour d’autres spécialités littéraires ou philosophiques, il en est d’autres qui sont propres à la seule étude de Jean-Jacques Rousseau.

 

Une génération de lecteurs meilleurs

 

Ces « récits de vie scientifiques » semblent en effet répondre à une exigence posée non par les méthodologies spécifiques aux disciplines que représentent les différents lecteurs de Rousseau, mais bien par Rousseau lui-même. J’éviterai d’insister ici sur les divers aspects qu’elle put revêtir[15], pour me concentrer sur un aspect particulier de l’incompréhension et de l’injuste lecture dont Rousseau se sent victime, à savoir l’espoir qu’il conçut d’être relu un jour par une génération de lecteurs plus aptes à le comprendre. Persécuté, lapidé, traqué, incompris, raillé, haï, trahi à la suite de la condamnation de l’Emile et du Contrat social, Rousseau donne naturellement à son lecteur l’envie de réussir, là ou tous les autres ont échoué. Cet espoir d’une génération de lecteurs enfin juste et équitable apparaît clairement dans le célèbre prologue des Confessions[16], dans le troisième des Dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques[17], dans l’Histoire du précédent écrit[18], et, enfin déçu, dans la première promenade[19].

Rousseau réclame justice : mais cette justice dépend (et ce n’est guère anodin) de l’apparition, dans les siècles à venir, d’une hypothétique génération de lecteurs meilleurs, enfin capables d’une lecture juste. Ce faisant, il place son interprète dans une position à tout le moins particulière, où il s’agit d’avoir tort ou raison, et qui rend impossible la cohabitation de deux lectures qui seraient justes malgré leur différence ; il est impossible que deux lectures différentes s’opposent ; elles doivent nécessairement se contredire, c’est-à-dire s’exclure[20]. La conséquence de cette mise en place réside dans la conception de l’œuvre et de la pensée de Rousseau comme étant autant de territoires ne pouvant légitimement appartenir qu’aux seuls lecteurs justes de Rousseau, sans que cette justice (ou cette justesse) de l’interprétation ne puisse être établie et accréditée par le principal intéressé. Rousseau m’appartient, car je le comprends mieux que les autres ; lecteur juste appelé de ses vœux, je suis seul en mesure de donner de son œuvre une interprétation et une continuation qui ne le trahira pas, et la conjonction de mon travail personnel et de son œuvre suffit à en apporter le gage. Ces « récits de vie scientifiques » tiennent donc lieu d'appropriation du corpus, car ils mettent en relief le rapport soi-disant privilégié de chaque lecteur avec l'œuvre. C'est la définition d'un territoire, et du lieu d'exercice d'une autorité. La critique, qui par-dessus tout veut s'assurer de la légitimité de son statut et faire partie de ces « bons » lecteurs de Rousseau, vise donc, par toute une série de mécanismes, à conjurer sa propre éviction en tant qu'interprète de l'œuvre, sans que cette conjuration ou ces mécanismes ne soient jamais étudiés. Il y a donc là admiration de l’existence et de la survivance du corpus, volonté d’apprivoiser et de s’approprier Rousseau, d’exister à travers lui, par procuration, de manière médiate et nécrophage ; nous nous vouons un amour sans bornes à travers la projection héroïque de nous-mêmes que permet notre identification implicite à Rousseau et à son œuvre. Mais cette volonté rencontre un obstacle majeur, dans l’absence de toute forme d’assentiment de la part de ce corpus qu’on veut faire sien. La plus grande crainte de l’interprète est que soit révélée, par son incapacité à élucider l’œuvre, son appartenance redoutée à une génération de lecteurs indignes.

Rousseau, seule autorité susceptible de valider l’interprétation que l’on fait de lui, se tait, plongeant la critique dans un insoluble et très frustrant doute quant à la justice de ses interprétations, et quant à la nature de son propre statut. Malgré le refus final de Rousseau d’être lu, et l’exclusion, dans les Rêveries, du lecteur indigne ; malgré le mimétisme de la critique ; malgré ses tentatives de l’apprivoiser, de le domestiquer, de se l’approprier par un rapport soi-disant privilégié, Rousseau, parce qu’il est à jamais absent, reste en effet insaisissable et opiniâtrement libre des chaînes de l’interprétation que nous voudrions lui faire porter. Même domestiqué, Rousseau, par l’absence inévitable de tout aval, de toute accréditation, oppose à ses maîtres autoproclamés la résistance d’une invincible liberté, et les plonge dans ce doute infini : Rousseau trouverait-il l’interprétation que je donne de lui juste ? Et pour conjurer ce doute, nous nous octroyons à nous-mêmes et sans son avis l’héritage de Rousseau, l’héritage de son autorité en matière d’inclusion et d’exclusion des lecteurs.

Rousseau nous apparaît donc comme une pure nature qui tolère certes l’apprivoisement, mais refuse qu’on le prive d’une intégrité et d’une liberté inaliénables, et ne promet jamais d’établir avec son maître un rapport de soumission exclusif et privilégié.

 

Les obsessions félines de Michel Launay

 

Sous l’angle de ce saut passant de l’intention scientifique à une intention de l’ordre de la quête d’une certaine acceptance, de la reconnaissance chimérique de l’interprète dans son statut et dans son privilège, de la domination d’un corpus, de son apprivoisement et de sa domestication, nous pouvons lire différemment la métaphore du chat utilisée par Michel Launay en 1978 :

 

Il y a donc dans l’œuvre de Rousseau quelque chose qui grince et qui griffe comme un chat sauvage[21].

 

Nous réclamons en effet notre autorité sur Rousseau, comme nous aimerions pouvoir en réclamer une sur l’animal, quoique (ou plutôt parce que) celle-ci nous est toujours refusée. Cette image du chat n’était pas neuve sous la plume de Michel Launay. En effet, celle-ci avait déjà été pointée dans son Introduction à la vie littéraire du XVIIIe siècle[22], et, bien plus amplement, dans son Jean-Jacques Rousseau écrivain politique (1712-1762)[23], qui proposait de nombreuses références à l’iconographie. En plus de la couverture, qui présentait une œuvre originale de Marianne Launay [illustration 6], étaient ainsi reproduits le portrait de Rousseau par Houel [illustration 5], en quatrième de couverture, et un détail de la couverture des Principes du droit politique [illustration 3]. Ce dernier détail servirait ensuite de frontispice pour la collection des Index-concordances et autres ouvrages consacrés au vocabulaire et au style de Rousseau, tous publiés sous la direction de Michel Launay, à Genève, chez Slatkine [illustration 7]. En 1977, Le vocabulaire politique de Jean-Jacques Rousseau[24] évoquait précisément une « sémiologie des textes politiques de Rousseau à travers les âges » basée entre autres sur « la découverte de l’image du chat dans les frontispices des deux grands ouvrages politiques de Rousseau », le second discours [illustration 2] et le Contrat social [illustrations 3, 4]. Cette découverte de l’image du chat sera encore rappelée par Michel Launay en 1998, dans Une grève d’esclaves à Alger au XVIIIe siècle[25].

Ces obsessions félines de Michel Launay se cristallisèrent autour de quelques éléments d’abord étrangers les uns aux autres, et qui purent ensuite être rassemblés autour des thèmes centraux de la liberté et de l’indépendance. Tout d’abord, en dehors de ces illustrations, il y a le chat tel qu’il apparaît dans l’œuvre même de Rousseau[26]. On sera du reste surpris de constater qu’il y reste relativement discret : en dehors de mentions anecdotiques dans l’Essai sur l’origine des langues[27], dans les Confessions[28], le deuxième dialogue[29], ou la correspondance[30], retenons celle, plus célèbre, du livre II de l’Emile, comparant l’enfant au chat :

 

Voyez un chat entrer pour la première fois dans une chambre; il visite, il regarde, il flaire, il ne reste pas un moment en repos, il ne se fie à rien qu'après avoir tout examiné, tout connu. Ainsi fait un enfant commençant à marcher, et entrant pour ainsi dire dans l'espace du monde.

 

Ensuite, il y a l’Iconologie de Gravelot et Cochin (1767), à laquelle Launay ne cesse de se référer, et qui fait du chat l’« ennemi de la contrainte » qui « achève de caractériser la liberté ». Cette association est elle-même autorisée par Rousseau, d’après ce que nous en rapporte James Boswell :

 

Les hommes despotiques n’aiment pas les chats parce que le chat est libre et ne consentira jamais à devenir esclave […]. Le chat est un animal qui peut vous être très attaché ; il fera tout ce qui peut vous faire plaisir par amitié[31].

 

Néanmoins, il faut souligner qu’aux yeux de Boswell en revanche, les chats sont « ingrats et traîtres ». Ces avis divergents sur la charge symbolique du chat témoignent de l’ambiguïté du statut revêtu par l’animal au XVIIIe siècle, durant lequel il est, tout comme Rousseau, à la fois haï, craint, et aimé, idolâtré. Ainsi, le célébrissime ouvrage de Robert Darnton[32] a suffisamment illustré les charges négatives dont était alors porteur le chat, incarnant la sorcellerie, voire le diable en personne, et étant dès lors victime de mutilations (on lui coupe la queue, on lui taille les oreilles, on lui arrache une patte), tortures diverses et immolations (on brûle sa fourrure) supposées le priver du pouvoir occulte, et naturellement maléfique, qu’on lui prête depuis le Moyen-âge. Ces superstitions en effet se transmettent : en 1680, le Journal des savants donne le frisson à son lecteur en évoquant la récente dissection d’un chat « monstrueux » doté d’une seule tête et de deux corps, au Collège des Médecins de Lyon[33]. Même jeu en 1708, dans la recension d’un ouvrage de Jacques Echard, qui rapporte, entre autres « histoires singulières de personnes superstitieuses » transmise par Etienne de Bourbon, la troublante anecdote médiévale d’une femme « qui avait souvent assisté dans un lieu souterrain à une cérémonie magique », dans une grotte où lui apparaissait le diable incarné en chat[34]. Mais par ailleurs, le XVIIIe siècle est aussi l’époque où va progressivement changer ce statut, qui passera de celui d’animal sauvage, craint et détesté, à celui d’animal domestiqué, chéri et adulé de « félinophiles » de plus en plus nombreux, encouragés en cela par les fameux Chats de Moncrif, qui visent précisément à mettre à mal ces superstitions[35], et par le monarque lui-même[36].

Un autre élément, est ce que nous serions tenté d’appeler l’animalité de Rousseau. « Ours » de Mme d’Epinay, quadrupède de Voltaire à la suite du second discours (« Il prend l’envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage »), philosophe également quadrupède et amateur de laitue dans Le cercle (1755) de Charles Palissot de Montenoy [illustration 9], Rousseau est également ce « monstre » de l’opinion publique dans les Dialogues, cyclope émergeant lui aussi des ténèbres, recouvert de la fourrure arménienne, peint en 1766 par Alan Ramsay [illustration 10]. Cette animalité, comme l’a remarquablement souligné Jean-Luc Guichet, est pleinement assumée par Rousseau :

 

A l’égard […] de lui-même, Rousseau a toujours eu tendance, même avant ses années de persécution, à s’identifier à des figures animales, comme si cette projection lui était nécessaire pour être au plus près de lui-même. […] C’est que l’animal revêt bien pour lui d’abord une signification positive et qu’il lui permet d’afficher à la fois sa singularité, sa proximité à l’origine et à la nature et sa distance par rapport au monde humain. […]. Curieusement, Rousseau assumant ainsi d’une certaine manière une figuration animale de lui-même et en même temps la renvoyant aux hommes en les animalisant à leur tour, cette animalité grotesque devient la forme singulière d’un rapport qu’il entretient par ce biais avec ses contemporains, étrange jeu de miroirs déformants dont l’enjeu est l’humanité des uns et des autres[37].

 

Rousseau étant à la fois rugueux et doux, maudit et célébré, tout comme le félin, il n’était donc pas difficile, pour Michel Launay, de choisir le chat d’abord comme figure symbolisant pleinement ce rapport particulier de Rousseau à l’animal, et à l’homme ; ensuite, comme symbole de Rousseau lui-même ; et enfin, comme symbole, à travers Rousseau, d’une liberté inaliénable quoique toujours en péril. Néanmoins, cette association d’idées, d’illustrations, de textes et de faits historiques ne repose pas que sur des compatibilités superficielles ou esthétiques qui font qu’à un moment donné, pour telle ou telle raison plus ou moins objective, il devient possible d’associer Rousseau au chat, avec tout ce que cela peut impliquer. Elle repose sur quelque chose d’éminemment plus profond.

 

Endosser la fourrure du chat qui griffe

à défaut de pouvoir être lui

 

Comme a pu l’écrire Roland Mortier à propos de l’originalité de Rousseau, « la tragédie de l’être à part est dans sa volonté passionnée de communiquer avec les hommes et dans son incapacité à se faire entendre d’eux »[38]. Tel est aussi le drame de l’animal, auquel l’homme, par une énième version de son anthropocentrisme sacré, prête sans relâche toute une série d’états, de sentiments et d’intentions dont il ne peut prouver la réalité, comme on le fait parfois avec les nourrisssons[39]. Projetant sur l’animal (comme sur Rousseau), le reflet de ce que nous-mêmes voulons y mettre, nous connaissons notre marge d’erreur, et vivons notre travail en étant conscients du risque que nous courons ainsi de livrer des interprétations injustes, risque que rappelait Rousseau dans le fameux quatrain ironique apposé sous le portrait de Ramsay : « Hommes savants dans l'art de feindre/ Qui me prêtez des traits si doux, / Vous aurez beau vouloir me peindre, / Vous ne peindrez jamais que vous ».

En parant nos autoportraits critiques de citations-trophées rousseauistes, nous tentons donc de comprendre et de formuler cette vérité dont nous sentons chargé l’animal, et plus particulièrement ce félin qui nous apparaît si libre et indépendant. Nous endossons sa fourrure, à défaut de pouvoir être lui, et de pouvoir vivre cette vérité et cette liberté pleinement, au lieu de les intellectualiser et de les modéliser comme nous le faisons sans cesse. Se revêtir de la fourrure de l’animal n’est pas un acte innocent ou banal. Comme l’écrivait Marc-Alain Descamps dans sa Psychosociologie de la mode :

 

L’animal c’est pour l’homme à la fois le compagnon de jeu, l’auxiliaire de travail, la nourriture, mais aussi la grande peur, le mal et le sexe à l’état pur. Il y a eu une fascination de l’homme par l’animal. Il s’est identifié à lui, a vécu par magie sa force et sa vertu principale. Il l’a assimilé au père et au dieu et en a fait un totem. Revêtir sa peau est le prolongement du festin totémique[40].

 

Si nous portons cette fourrure, c’est parce qu’elle est supposée symboliser la puissance de celui qui la porte et qui l’a ôtée à l’animal vaincu. C’est notre triomphe, notre propre célébration. Le chat, pour être domestiqué, doit d’abord être sauvage[41]. Dans un article récent, Jean-Luc Guichet insistait sur la nature particulière de l’apprivoisement chez Rousseau, ainsi que sur la situation contradictoire à laquelle il mène :

 

Il s’agit d’une sorte de rituel d’initiation qui met Rousseau en position de singularité par rapport au monde humain. Homme, il est passé de l’autre côté de la frontière, admis à titre exceptionnel dans la confiance et la confidence des êtres sauvages. Dans l’approche délicate de l’animal s’assure ce qui différencie Rousseau à ses propres yeux : la possibilité d’un privilège exclusif par rapport à la nature et à l’origine, et la possession d’une maîtrise difficile et inconnue aux autres. […] Un double pôle contradictoire paraît en effet déchirer Rousseau dans son expérience du rapport à autrui : à la fois un souci inconditionnel de la liberté, la sienne et celle de l’autre, et, en même temps, de façon aussi intense et exigeante, un désir d’attachement également inconditionnel à autrui.[42]

 

Cette forme si particulière d’apprivoisement dont le Rousseau des Confessions reconnaît tirer un « singulier plaisir »[43], nous voudrions sans doute l’appliquer à notre tour, mais à Rousseau. Nous portons sa fourrure dans l’espoir de toucher quelque chose d’enfoui, d’animal, et de pouvoir à notre tour être rugueux, faire vaciller les Lumières, et faire grincer, de temps en temps, les mécanismes imperator de notre Occident et de la pensée moderne. Pourtant, il faut bientôt déchanter : car évidemment ce ne sont ni la peau, ni la puissance symbolisée de l’animal que nous voudrions nous approprier, mais l’immédiateté de sa vie, la vivacité de son expérience, et l’évidence infinie de son message. L’ethnologue américain Hamilton Cushing (1857-1900), spécialiste de la culture des Indiens du Nouveau-Mexique, rapportait qu’un Indien lui aurait un jour demandé « pourquoi l’homme devrait être supérieur à l’animal » :

 

Regarde un peu l’antilope, elle est la course même et elle court tellement mieux que l’homme – ou bien l’ours, il n’est que force pure, les hommes savent seulement faire quelque chose, et l’animal ce qu’il est, il l’est totalement.[44]

 

Ainsi nous reproduisons les gestes de l’animal, les mouvements de la nature, de l’identité et de l’origine, mais plongés dans notre dénaturation, nous échouons à éprouver cette évidence. Il y a quelque chose de pathétique à voir ainsi la critique interpréter Rousseau comme on interprète une danse rituelle, poursuivant ce rêve d’un jour retrouver l’immédiateté primitive de ce rapport à la vie et à « ce qui se passe ». Nous déployons l’arsenal de nos sciences, tour à tour histoire, philologie, philosophie, psychologie, linguistique, anthropologie, pour saisir un élément toujours fuyant, et étranger à notre rationalité. Comment en serait-il autrement ?

Ce que nous cherchons, et qui évasivement est appelé tour à tour nature, bonheur, origine, n’est en effet pas un objet intellectuel, ce n’est même pas quelque chose dont nous sommes supposés parler. Rousseau lui-même n’en donne dans son œuvre que des évocations, décrivant pour l’exprimer des états (l’homme « abstrait » dans l’Émile, l’éveil phénoménologique de la deuxième promenade, l’extase et le « sentiment de l’existence » de la cinquième), des métaphores (celle du flux continuel), des états intentionnels (l’identification à l’immensité du beau spectacle de la nature qui fait qu’on ne voit ni ne sent « rien que dans le tout », dans la septième promenade), ou des ébauches de méthode (celle du chemin dont il faut jouir autant que de la destination[45]), et non des idées ou des concepts. A la différence des concepts, ou de la construction de notre identité sociale que nous faisons dépendre de son interaction avec le reste et les autres qui nous entourent (et dont les Confessions, les Dialogues et le Rêveries sont des tentatives de modélisation successives selon trois schémas rationnels, l’analyse, la dialectique et la morale sensitive que Rousseau d’ailleurs abandonne dès la première promenade), l’expression de cet état rencontre dans la raison et dans le modèle classique de la rationalité un obstacle, bien plus qu’un instrument.

Pourtant, cet obstacle ne nous rebute guère, et armés de nos disciplines, nous prétendons reproduire, dans d’infinies saturnales rousseauistes, la tentative de réconciliation magique de la nature et de la société, de la liberté et de la contrainte, de la sensation et de la morale, du pathos et du logos. En acceptant d’endosser la fourrure de Rousseau, nous redevenons, au nom de l’humanité entière, cet autre animal, ce bouc émissaire qui accepte de souffrir et de subir à la place des autres ces violentes forces contraires pour en tenter, ou en constater une fois encore, l’impossible synthèse. Nous nous faisons alors pharmakos, à la fois poison et remède, comme purent l’être Rousseau, et le chat lui-même, dont l’Encyclopédie (Daubenton et Jaucourt) énumère non sans ironie les superstitions relatives à ses vertus médicales[46]. Et ce rôle que nous interprétons et incarnons fait notre gloire au moins autant qu’il ne perpétue la survivance de Rousseau.

Du reste, il faut bien sûr se demander si, oui ou non, continuer à nous livrer à cette pratique inconsciente est bien la meilleure manière de continuer Rousseau. À cet égard, rappelons la conviction de Michel Launay qui, craignant d’avoir « affadi » la « langue hardie et fière » de Rousseau, cette langue capable « d’irriter » ses lecteurs, déclarait :

 

Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque de nous lancer, à nous sophistes de Dijon, sous le couvert d’une phrase du Contrat social, quelque gifle qui nous rappellerait que nous aurions pu être des hommes : mais il suffit d’un Jean-Jacques pour faire de la morale ; nous n’avons pas achevé le travail qui nous permettra de n’être plus dupés par nos propres mots.[47]

 

Peut-être suffit-il aussi d’un Jean-Jacques, pour faire du Rousseau : il serait alors bien possible que pour se faire l’authentique continuateur de Rousseau, la seule solution soit de renoncer à le lire, de renoncer à écrire à son sujet, de renoncer à la vanité qui nous fait voir ses textes comme notre propriété, notre territoire connu, ou comme autant de miroirs qu’il nous tend et où s’épanouit notre narcissique reflet, dans une impression de déjà-vu. Il suffirait peut-être, pour être au plus proche de Rousseau, de le tenir à distance, de renoncer à endosser sa fourrure, de laisser là nos pathétiques saturnales, pour interroger nos superstitions rousseauistes sous un jour nouveau et enfin délivré de nos intentions cachées. Mais —et je terminerai par cette question—, à deux ans du tricentenaire, de tant de célébrations et d’occasions de se croire en vie, qui acceptera de le faire sur ce simple pari ?

 

作者简介:Christophe Van Staen,上海交通大学欧高院助理教授,比利时自由大学18世纪研究中心成员。

文章原载:Études Jean-Jacques Rousseau,2011

 

[1] Cette communication isole un aspect de la problématique que forme la réception critique de Rousseau, dont j’ai détaillé ailleurs les différentes orientations disciplinaires (Van Staen, Ch., « Une transitivité immobile. La causation comme caractérisation subjective de l’expérience et ses répercussions sur le matérialisme de Jean-Jacques Rousseau », à paraître dans les Études Jean-Jacques Rousseau). Elle prolonge aussi une expérimentation sur le thème du cadavre de Rousseau, qui m’a permis d’observer que ce qu’attend l’académie au sens large n’est pas à proprement parler une avancée scientifique, mais une matière littéraire, dramatisée, chorégraphiée, esthétique, pour ne pas dire cosmétique, d’un objet soi-disant intellectuel, mais en réalité fantasmatique (Van Staen, Ch., « Le sacre de la haine. Dégénérescence et mise à mort dans l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau », Le XVIIIe : un siècle de décadence ?, Études sur le XVIIIe siècle, Éditions de l’Université Libre de Bruxelles, 2006, p. 49-61).

[2] Ainsi, Sergei Zanin, dans sa récente communication sur la traduction de Rousseau en russe, alla-t-il peut-être trop vite en besogne en qualifiant certaines interprétations spectaculaires de « fausses » : en revanche, personne sans doute n’oserait nier qu’elles ne soient éminemment personnelles. Il avait essentiellement en vue les ouvrages de P.-P. Clément (Jean-Jacques Rousseau. De l’éros coupable à l’éros glorieux, Neuchâtel, à la Baconnière, 1976) et de F. Bocquentin (Jean-Jacques Rousseau. Une femme sans enfants,  Paris, L’Harmattan, 2003).

[3] Gauthier, D., Rousseau. The Sentiment of Existence, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. vii.

[4] Raymond, M., Poulet, G., Correspondance. 1950-1977, Paris, Corti, 1981, p. 36-37. Voir aussi la lettre du 24 août 1962 de Poulet à Raymond, à l’époque de La quête de soi et la rêverie : « Rousseau est pour vous un cas privilégié, je veux dire qu’il vous force ou vous incite à mieux vous révéler vous-même au travers et à l’aide des tâches qu’il vous propose ».

[5] De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967.

[6] De Man, P., « The Rhetoric of Blindness : Jacques Derrida’s Reading of Rousseau », dans Blindness & Insight. Essays in the Rhetoric of Contemporary Criticism, New York, Oxford UP, 1971.

[7] Dans l’Impensé de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Seuil, 1967, collection « Cahiers pour l’Analyse 8 ».

[8] Dans le volume Pensée de Rousseau, Paris, Seuil, 1984.

[9] Charbonnel, N., Philosophie de Rousseau, Lons-le-Saunier, éditions de l’Aréopage, 2006 (collection « Penser ! »), en trois volumes.

[10] Viala, A., Lettre à Rousseau sur l’intérêt littéraire, Paris, Presses universitaires de France, 2005.

[11] « Mon livre surgit d’une question assez personnelle, ça vaut quand même la peine de le préciser : j’ai dû réfléchir pourquoi et comment, dans la tradition socialiste de ma famille, Rousseau occupait une telle place et pourquoi il avait été mythifié en quelque sorte par notre folklore familial. Mon grand-père vouait un culte à Rousseau […] : comme bien des militants de 1930, il a dénommé son cadet Jean-Jacques. Et c’est mon père. C’est dire si je suis pris ad personam dans cette histoire de transmission » (Meizoz, J., Le gueux philosophe, Lausanne, Antipodes, 2003, p. 92).

[12] Berchtold, J., « Du nouveau dans les études rousseauistes ? A propos de l’approche thématique », dans The Eighteenth-Century now : boundaries and perspectives, Oxford, Voltaire Foundation, 2005, SVEC 2005 :10, p. 51-61.

[13] Europe. Revue littéraire mensuelle, 930, octobre 2006. On y lit entre autres Lionel Bourg (p. 18 et 26 : « je dus […] avoir vécu […] avant de mieux considérer l’espèce de parenté m’unissant en secret au rugueux citoyen de Genève […] nous sommes un peu parents ») ; Gérard Cartier (p. 27 : « Moi aussi je parlerai de moi. Ayant cédé à une manie ambulante, j’ai sans y prendre garde mis mes pas dans les siens ») ; ou encore Bernard Fauconnier (dans un article intitulé « Jean-Jacques et moi », p. 34 : « Je pense souvent à Jean-Jacques. Il y a des amis avec lesquels on aime bien s’engueuler »). Avec Y. Séité, A. Grosrichard, J.-F. Perrin et d’autres, ces auteur se sont réunis à Chambéry en novembre 2006, dans le cadre de l’ŒIL, pour une journée Rousseau autour de la publication de ce numéro de la revue.

[14] Selon D. Gauthier, voir ci-dessus.

[15] Ils sont nombreux, de la formule ovidienne utilisée dès le premier discours « Barbarus hic ego sum quia non intelligor illis », à la première promenade, en passant par d’innombrables anecdotes (songeons à la princesse de Talmont lectrice de Julie).

[16] « Enfin, fussiez-vous, vous-même, un de ces ennemis implacables, cessez de l'être envers ma cendre, et ne portez pas votre cruelle injustice jusqu'au temps où ni vous ni moi ne vivrons plus, afin que vous puissiez vous rendre au moins une fois le noble témoignage d'avoir été généreux et bon quand vous pouviez être malfaiteur et vindicatif : si tant est que le mal qui s'adresse à un homme qui n'en a jamais fait ou voulu faire, puisse porter le nom de vengeance ».

[17] « Quand la haine dans laquelle on entretient le public cessera d'être fomentée, et quand dans des générations meilleures celle-ci aura été mise à son prix, les jugements formeront des préjugés contraires; ce sera une honte d'en avoir été loué, et une gloire d'en avoir été haï ».

[18] « Toute explication m'est refusée, toute communication m'est ôtée, je n'attends plus des hommes aigris par leur propre injustice qu'affronts, mensonges et trahisons. Providence éternelle, mon seul espoir est en toi; daigne prendre mon dépôt sous ta garde et le faire tomber en des mains jeunes et fidèles, qui le transmettent exempt de fraude à une meilleure génération; qu'elle apprenne, en déplorant mon sort, comment fut traité par celle-ci un homme sans fiel et sans fard, ennemi de l'injustice, mais patient à l'endurer, et qui jamais n'a fait ni voulu ni rendu de mal à personne ».

[19] « Mais je comptais encore sur l'avenir, et j'espérais qu'une génération meilleure, examinant mieux et les jugements portés par celle-ci sur mon compte et sa conduite avec moi, démêlerait aisément l'artifice de ceux qui la dirigent, et me verrait encore tel que je suis. C'est cet espoir qui m'a fait écrire mes Dialogues, et qui m'a suggéré mille folles tentatives pour les faire passer à la postérité. Cet espoir, quoiqu'éloigné, tenait mon âme dans la même agitation que quand je cherchais encore dans le siècle un coeur juste, et mes espérances que j'avais beau jeter au loin me rendaient également le jouet des hommes d'aujourd'hui ».

[20] Il y a donc là un jeu sur l’inclusion ou l’exclusion du lecteur. Cf. Vargas, Y., « Ne me lisez point : Rousseau et le lecteur exclu », dans Les promenades matérialistes de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Le Temps des Cerises, 2005, p. 206-213.

[21] Launay, M., « Bilan sur Rousseau écrivain », Revue d’histoire littéraire de la France, 79, 1979, p. 397.

[22] Paris, Bordas, 1969, p. 74.

[23] Grenoble, ACER, 1971.

[24] Genève, Slatkine, 1977, p. 21.

[25] Paris, Jean-Paul Rocher, 1998, p. 23.

[26] Sans même parler du thème général de l’animal et de l’animalité, de nombreuses études ont été consacrées au traitement rousseauiste du chat, d’Hippolyte Buffenoir (« Jean-Jacques Rousseau, ami des chiens et des chats », Revue du plateau central, septembre 1926) à Jean-Luc Guichet (le chapitre « Chats et chiens » de son ouvrage Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières, Paris, Cerf, 2006, p. 411 et sq.) en passant par les nombreux textes de Jacques Berchtold (parmi ceux-ci, notons « Les chats de Jean-Jacques Rousseau », dans Berchtold, J., Réda, J. et Flückiger, J.-C., Chiens et chats littéraires chez Cingria, Rousseau et Cendrars, Genève, La Dogana, 2002, p. 37-100).

[27] Chapitre XV : « Si mon chat m'entend imiter un miaulement, à l'instant je le vois attentif, inquiet, agité. S'aperçoit-il que c'est moi qui contrefais la voix de son semblable, il se rassied et reste en repos. Pourquoi cette différence d'impression, puisqu'il n'y en a point dans l'ébranlement des fibres, et que lui-même y a d'abord été trompé ? ».

[28] Livre X : « Ma chatte et mon chien nous faisaient compagnie. Ce seul cortège m’eût suffi pour toute ma vie, sans éprouver jamais un moment d'ennui. J’étais là dans le paradis terrestre; j’y vivais avec autant d' innocence, et j’y goûtais le même bonheur ».

[29] Rousseau y déclare être « l’ami, presque l’esclave » de son chien et de sa chatte.

[30] CC 405 (à Mme d’Epinay, le 13 avril 1756), CC 1650 (à Malesherbes, le 26 janvier 1762), CC 2131 (à Mme Verdelin, 4 septembre 1762), CC 3344 (à Daniel Roguin, le 14 juin 1764).

[31] Cité par Boswell, cf. Trousson, R., Rousseau par ceux qui l’ont vu, Bruxelles, Le Cri, 2004, p. 140.

[32] Darnton, R., Le grand massacre des chats. Attitudes et croyances dans l’ancienne France, Paris, Laffont, 1985, p. 88 et sq.

[33] 1680, p. 197 et sq. [illustration 8].

[34]« Il y avait ordinairement grande assemblée d’hommes et de femmes dans cette caverne, et elle était éclairée d’une grand nombre de torches et de chandelles. Tout le monde se rangeait autour d’une cuve pleine d’eau, au milieu de laquelle était plantée une lance. Le chef de la troupe conjurait Lucifer de venir, et le conjurait par sa barbe, par sa puissance, et par quantité d’autres choses. A ces conjurations un vilain chat descendait le long de la lance, et après avoir trempé sa queue dans l’eau, arrosait la compagnie, et éteignait les lumières. La cérémonie finissait par une infinité de crimes qui se commettaient dans les ténèbres » (Journal des savants, XLI, 1708, p. 122-123).

[35] A Paris, chez Gabriel-François Quillau, 1727.

[36] Walter, V., Contribution à l’étude de l’évolution historique du chat : ses relations avec l’homme de l’Antiquité à nos jours, Toulouse, Université Paul Sabatier, 2007, p. 93 et sq.

[37] Guichet, J.-L., Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières, Paris, Cerf, 2006, p. 422-423.

[38] Mortier, R., « Rousseau, ou l’originalité malheureuse », dans L’originalité. Une nouvelle catégorie esthétique au siècle des Lumières, Genève, Droz, 1982, p. 147.

[39] Mc Farland, D., Guilty Robots, Happy Dogs. The Question of Alien Minds, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 98.

[40] Descamps, M.-A., Psychosociologie de la mode, Paris, Presses universitaires de France, 1979, p. 70.

[41] CF. Buffon, Histoire naturelle, vol. VI, « Description du chat », p. 18 : « Le chat sauvage représente la race originaire des chats domestiques, ils lui ressemblent tous parfaitement par les principaux caractères de la figure extérieure et de la conformation intérieure, et ils n’en diffèrent que par des variétés ou des caractères qui ne sont ni essentiels, ni par conséquent propres à constituer une autre espèce ». Voir illustration 11, le chat sauvage.[42] Guichet, J.-L., « La pratique et l’idéal de l’apprivoisement chez Rousseau », AJJR 46, 2005, p. 123-124.

[43] Livre VI : « J’ai toujours pris un singulier plaisir à apprivoiser les animaux, surtout ceux qui sont craintifs et sauvages ».

[44] Cité par Michaud, P.-A., L’image en mouvement, Paris, Macula, 1998, p. 271.

[45] Cf. l’Émile, Livre cinquième : « Nous ne voyageons donc point en courriers, mais en voyageurs. Nous ne songeons pas seulement aux deux termes, mais à l’intervalle qui les sépare. Le voyage même est un plaisir pour nous ».

[46] III, p. 326: « La plupart des auteurs de matière médicale rapportent diverses propriétés que plusieurs médecins ont accordées aux différentes parties du chat, tant domestique que sauvage. La graisse de ces animaux, leur sang, leur fiente, leur tête, leur soie, leur fiel, leur urine distillée, leur peau, leur arrière - faix même porté en amulette, ont été célébrés comme des remèdes admirables; mais pas un de ces auteurs n'ayant confirmé ces vertus par sa propre expérience, on ne saurait compter sur l'espèce de tradition qui nous a transis ces prétentions de livre en livre: au moins faut - il attendre, avant de préférer dans quelques cas ces remèdes à tous les autres de la même classe, que leurs vertus particulières soient confirmées par l'observation. Les voici pourtant ces prétendues vertus. La graisse de chat sauvage amollit, échauffe, et discute; elle est bonne dans les maladies des jointures; son sang guérit l'herpes ou la grattelle. La tête de chat noir réduite en cendre est bonne pour les maladies des yeux […]. La fiente guérit l'alopécie, et calme les douleurs de la goutte. On met sa peau sur l'estomac et sur les jointures, pour les tenir chaudement; on porte au cou l'arrière - faix, pour préserver les yeux de maladie ».

[47] Launay, M., « L’art de l’écrivain dans le Contrat social », dans Jean-Jacques Rousseau et son temps, Paris, Nizet, 1969, p. 145 et 149-150.

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